Hector BERLIOZ (La Côte-Saint-André 1803 – Paris 1869)

Symphonie fantastique, épisode de la vie d’un artiste, op.14

Cette célébrissime symphonie, sans équivalent dans toute la littérature musicale, est fortement teintée d’autobiographie. Berlioz est un compositeur étonnant, gloire du romantisme français, tenace, moderne, parfois expérimental dans l’instrumentation avec des alliages de timbres inédits, des effets acoustiques. Son inspiration mélodique est permanente. Ses ambitions étaient toujours excessives avec des opéras surdimensionnés (Benvenuto Cellini, Les Troyens), des œuvres religieuses « énormes » (Requiem, Te Deum) et des pièces symphoniques toujours étranges. Ses quatre ouvrages symphoniques principaux sont marqués par la diversité des effectifs instrumentaux et même vocaux Harold en Italie écrit en 1834, à la demande de Paganini pour alto et orchestre), Roméo et Juliette, symphonie dramatique (mais tout est drame chez Berlioz comme le fait remarquer Paul Dukas) mi-opéra, mi-cantate en 1839, Symphonie funèbre et triomphale composée sur commande pour célébrer le dixième anniversaire de la Révolution de 1830, avec fanfare et grand chœur.

La Symphonie fantastique, plus ancienne date d’ailleurs de 1830 et correspond à une passion du jeune Berlioz pour l’actrice irlandaise Harriet Smithson. Dix jours avant la première audition il fit paraître dans la presse un « programme » détaillant le « plan du drame instrumental » en cinq parties. L’enthousiasme fut indescriptible lors de la création le 5 décembre 1830 (année d’Hernani) dans la salle du Conservatoire et sous la direction de François Habeneck.

Harriet Smithson dans le rôle d’Ophelia de Hamlet, lithographie d’Auguste Valmont, 1827.

Suivons le programme :

1 – Rêveries et Passions : un jeune musicien, affecté par la « vague des passions » tombe amoureux d’une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal. Sous l’effet de l’opium tous les délires de la passion s’emparent de lui, fureurs, jalousie, retours de tendresse, larmes et consolations religieuses. Le thème principal est une « idée fixe » qui personnalise la femme aimée.

2 – Un bal : au milieu du tumulte d’une fête, l’idée fixe s’impose à nouveau tel un fantôme. Ce mouvement, une valse introduite par le scintillement des harpes (écriture très nouvelle), fait fonction de scherzo.

3 – Scène aux champs : un soir d’été à la campagne, l’idée fixe vient troubler encore la douceur d’un « duo pastoral » ; idées de bonheur qu’assombrissent de noirs pressentiments, tonnerre lointain puis solitude et silence ! Ce mouvement a pu être inspiré par la Symphonie pastorale de Beethoven. L’atmosphère bucolique est rendue par le dialogue entre bergers jouant sur leurs chalumeaux (cor anglais et hautbois).

4 – Marche au supplice : le musicien rêve qu’il a tué la bien-aimée et qu’on le conduit à l’échafaud ; réapparition de l’idée fixe comme une dernière pensée d’amour interrompue par un coup fatal. Un premier thème sombrement implacable est énoncé par un orchestre « d’outre-tombe » (cordes graves), le second thème en fanfare éclate avec violence. Ce mouvement, d’une instrumentation éclatante et propre à saisir d’effroi les auditeurs, fut bissé dès la première exécution de l’œuvre.

5 – Songe d’une nuit de sabbat : parmi des bruits étranges, gémissements, éclats de rire, l’infortuné musicien se voit au sabbat pour ses propres funérailles ; ultime apparition de la mélodie adorée mais transformée en air de danse ignoble, trivial et grotesque ; elle se mêle à l’orgie diaboliques tandis que s’accomplit la cérémonie funèbre aux accents parodiques du Dies irae : dernière partie de la symphonie débridée, visionnaire, soumise aux hallucinations de l’opium.

Un concert à mitraille et Berlioz, caricature d’après un dessin de Grandville, 1846. Gallica-BnF.

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