L’ensemble des Festival Strings Lucerne existe depuis 1956. Il est l’un des piliers du prestigieux festival suisse. Il se produit dans le monde entier avec des programmes très éclectiques, du baroque au romantisme. Il nous propose un concert italien.

Daniel Dodds

I – Andrea FALCONIERI (Naples 1585 – 1656)

Chaconne en sol majeur

              Falconieri était un luthiste et compositeur qui illustre la première période du baroque italien. Il travailla auprès de cours à Parme, Mantoue, Florence, Modène, voyagea en France et en en Espagne, enseigna à Gênes, et fut maître de chapelle à la cour du roi de Naples de 1639 à sa mort, de la terrible peste qui ravagea la ville en 1656. Ses premières œuvres furent éditées en 1616. Sa chaconne, publiée dans Il primo Libro di Canzone, Sinfonie, Fantasie, Cappricci, Brandi, Correnti, Volte per Violini e Viole overo altro Strumento a 1, 2 e 3 con il basso continuo (Naples,1650) est le premier ensemble de variations qui utilise en Italie le célèbre thème des Folias qu’illustrèrent des dizaines de compositeurs dans toute l’Europe (jusqu’à Rachmaninov et Nicolas Bacri !).

II – Antonio VIVALDI (Venise 1678 – Vienne 1741)

Concerto en sol majeur « alla rustica », RV 151

Vivaldi, le « prêtre roux », a laissé une œuvre immense dans tous les domaines de la musique de son époque. Très peu sont datées avec précisions. Certaines lui sont attribuées par erreur. Autrefois les œuvres étaient classées en opus, aujourd’hui un nouveau catalogue est utilisé, dressé par le musicologue Peter Ryom, sous l’appelation de « Ryom Verzeichnis » RV D’une famille de musiciens, il fut ordonné prêtre en 1703, mais n’exerça aucun ministère (pour raisons de santé, il était asthmatique!) et la même année devint maître de violon à l’Ospedale della Pietà, institution d’éducation des jeunes filles pauvres, pour laquelle il dût beaucoup composer concertos, sonates et oratorios. Il voyagea beaucoup en Europe, protégé par Louis XV et l’empereur Charles VI. Entrepreneur de concerts, mêlé aux mauvaises affaires sur des opéras, il s’endetta et dut s’exiler à Vienne où il mourut dans la misère.

Le Concerto en sol majeur « alla rustica » fait partie du Quatrième livre de quatuors. Il fut écrit vers 1720-1730 pour violon, alto et basse continue, sans soliste, mais avec hautbois dans le dernier mouvement. Ses trois mouvements sont un Presto (en forme de moto perpetuo), un Adagio, un Allegro. Il préfigure les concertos des Quatre Saisons.

Antonio Vivaldi

III – Tomaso ALBINONI (Venise 1671 – 1750)

Concerto pour hautbois en ré mineur op.9 n°2

Autre vénitien, Albinoni a peu voyagé et commença sa carrière en amateur, comme son compatriote Marcello. Il n’avait pas besoin de composer pour vivre et pourtant a donné cinquante opéras (il n’en subsiste que quatre). Neuf recueils de musique instrumentale parurent entre 1694 et 1722 : sonates et concerti pour l’église ou le divertissement. Bach a transcrit pour orgue l’un de ses concertos pour violon. Notons que son fameux Adagio est en fait un pastiche réalisé en 1958 par le musicologue italien Remo Giazotto à partir d’une basse chiffrée et de quelques mesures pour violon du compositeur.

Le Concerto en ré mineur op.9 n°2 est assurément une des plus belles pages consacrées au hautbois. Il commence par un Allegro non presto qui frappe par la variété de ses rythmes et de ses thèmes, par ses modulations et son travail thématique. L’Adagio en si bémol est la partie la plus connue, proche de Bach, avec une admirable mélodie. L’Allegro final à 6/8 fait la part belle à la polyphonie avec des imitations en canon serrées. 

Tomaso Albinoni

IV – Francesco MANFREDINI (Pistoie après 1680 – v. 1748)

Concerto grosso en ré mineur op.3 n°5

Violoniste et compositeur, Manfredini fit ses études à Bologne avec Torelli et Perti, et entra vers 700 à la chapelle San Petronio de Bologne, puis comme premier violon à l’église du St-Esprit de Ferrare. Il fut vers 1715 au service de la cour de Bavière à Munich, mais après 1727 vécut jusqu’à sa mort dans sa ville natale, comme maître de chapelle de la cathédrale St-Philippe. Très représentatif de l’école baroque bolonaise, il composa de très nombreuses sonates et concertos et au moins six oratorios. Son fils Vincenzo partit en Russie et se mit au service de Catherine, il fut le professeur de clavecin du grand-duc Paul.

L’opus 3 réunit 12 Concerti grossi. Le cinquième comporte quatre mouvements qui alternent très classiquement les parties lentes et rapides : Adagio, Allegro, Andante et Presto.

V – Vicenzo BELLINI (Catane 1801 – Puteaux 1835)

Concerto pour hautbois en mi bémol majeur

Bellini est surtout connu pour ses onze opéras qui sont l’un des apogées du style bel canto, en particulier La Somnambule et Norma. Napolitain, il composa pour le théâtre San Carlo, puis pour la Scala de Milan. Il quitta l’Italie en 1833, s’établit à Londres et enfin vécut à Paris où il écrivit son dernier chef-d’œuvre, Les Puritains.

Les compositions purement instrumentales de Bellini sont peu nombreuses et antérieures à ses opéras. Son Concerto pour hautbois, plutôt un concertino en deux mouvements, porte pourtant bien son empreinte inévitable. Après une introduction brève Maestoso e deciso, un Larghettto cantabile déploie une mélodie à la grâce ineffable et mélancolique. Le dernier mouvement est un Allegro alla polonese, rythme très à la mode au XXe siècle. Bellini et Chopin se portaient d’ailleurs une amitié et une admiration mutuelles.

Vicenzo Bellini

VI – Ermanno Wolf-Ferrari (Venise 1876 – 1948)

Serenade pour orchestre à cordes en mi bémol majeur

Nous découvrirons probablement tous ce compositeur vénitien qui se destinant d’abord à la peinture, fréquenta l’Académie des Beaux-Arts de Rome puis l’école Holosy de Munich. C’est là qu’il se tourna vers la musique en 1892 comme élève de l’Akademie der Tonkunst. Il revint ensuite en Italie, puis alterna entre Venise (directeur du Liceo musicale B. Marcello) et Munich où il s’installa vraiment en 1909. Il voyagea beaucoup, ses œuvres rencontrant le succès jusqu’aux États-Unis. Il cessa de composer pendant la Première guerre mondiale, et poursuivit sa carrière comme professeur de composition au Mozarteum de Salzbourg (1939), puis à Zürich et enfin dans sa ville natale au Palazzo Malipiero. il repose au cimetière San Michele.

Il fut un maître de l’opéra, en particulier comique. Son style moderne lui permet d’échapper au wagnérisme comme au vérisme. Il a laissé des œuvres dans tous les genres.

Sa Serenade pour cordes fut créée en 1895. Elle comporte quatre mouvements : Allegro – Andante, più mosso – Scherzo : presto – Finale : prestosiennes du Prince Igor, Collection particulière

Ermanno Wolf-Ferrari

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