I – Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKY (Votkinski 1840 – Saint-Pétersbourg 1893)

Roméo et Juliette, ouverture-fantaisie

Tchaïkovsky a composé sept poèmes symphoniques, dont trois inspirés par Shakespeare auquel il vouait un culte particulier : Roméo et Juliette en 1870, La Tempête en 1873 et Hamlet en 1888. Balakirev, le dédicataire, lui avait suggéré le sujet de la tragédie des amants de Vérone en 1869, lui fournissant même un plan tout prêt, et Tchaïkovsky suivi ses conseils jusqu’à la structure de l’œuvre. Il la remania plusieurs fois.

Cette ouverture-fantaisie commence par un choral, le thème de Frère Laurent, dans le style des passages religieux de Liszt : « j’ai cherché à exprimer dans l’introduction une âme solitaire dont la pensée est dirigée vers le ciel ». Toute l’introduction respire la douleur, l’attente pénible, la tension. Puis à partir du poco stringendo accelerando, surgit peu à peu la violence qui est à la base du drame. Le premier thème de la partie principale illustre la haine des Capulet et des Montaigu. Vient ensuite le thème de l’amour de Roméo et Juliette, admiré particulièrement par Rimsky-Korsakov : « ce thème ne se prête manifestement pas au développement, comme d’ailleurs toutes les vraies mélodies, longues et nettement délimitées ! Quelle inexprimable beauté, quelle passion ardente ! C’est l’un des plus beaux thèmes de toute la musique russe. »

Le « développement » de l’œuvre reprend les deux premiers thèmes. Celui de la haine transforme celui, mystique, de frère Laurent pour lui donner un caractère de détermination tragique. Dans la « réexposition », les deux parties du thème de l’amour sont amplifiées, mais toujours confrontées à celui de la haine, bien qu’entrecoupé par le choral initial aux cuivres.

Dans la « coda » (finale), le thème de l’amour resurgit, douloureusement déformé. Un nouveau choral sur un rythme de marche (funèbre) est le requiem des deux héros et de leur amour ; mais lorsque tout semble fini, une nouvelle variante de l’amour dans l’extrême aigu des cordes soutenu par les harpes, lui redonne une élévation rédemptrice, très wagnérienne. Les derniers accords fortissimo sont un ultime rappel de la fatalité, que l’on retrouve souvent chez l’auteur de la Dame de Pique.

Tchaïkovsky en 1874

II – Max Bruch (Cologne 1838 – Friedenau, près de Berlin 1920)

Concert pour violon et orchestre n°1 en sol mineur op.26

Ses dons musicaux s’éveillèrent tôt, il étudia avec Hiller et Reinecke à Cologne, puis avec Hartmann (alors Cantor de Leipzig, fondateur de la Société Bach). Il fut chef d’orchestre et chef de chœurs à Mannheim, Coblence, Liverpool, Breslau et surtout Berlin. Compositeur parmi les plus appréciés de son temps, comblé de titres et d’honneurs. Mais tout jeune, il refusait « de se laisser aller aux errements modernes » comme il l’écrivit dans une lettre à Brahms, dont il se réclamait le disciple. Ses premières œuvres sont fraîches, inspirées, un peu naïves, travaillées avec conscience et savoir-faire. Il a composé trois opéras, des symphonies, des lieder, de la musique de chambre, et trois concertos pour violon.

Le premier de ces concertos est daté de 1866 et fut créé deux ans plus tard, dédié à l’illustre Joachim, comme le Concerto de Brahms. Il se caractérise par l’abondance mélodique et la virtuosité de l’écriture soliste.

Il comprend trois mouvements :

1 – Allegro moderato, plutôt une introduction avec un thème principal d’un dramatisme accentué, et un thème secondaire lyrique. 

2 – Adagio, ample mouvement construit sur un seul thème en mi bémol, qui atteint une impressionnante intensité.

3 – Allegro energico, brillant, d’allure fougueuse et débridée qui n’est pas sans évoquer les rythmes et accents tziganes de son homologue brahmsien. Le premier thème est d’une écriture exubérante mais maîtrisée, le second contrastant par plus d’envergure et un puissant élan, renouvelle à bon escient le jeu violonistique.

Max Bruch

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